Ziad Medoukh « Ahmed le gazaoui »
Ziad Medoukh, directeur du département de français de l’université
Al-Aqsa de Gaza en Palestinine, poète et écrivain, a été récompensé pour son
poème « Ahmed, le Gazaoui », lors du Concours Europoésie 2013 au
profit de l’UNICEF. Le poème est un
hommage à Ahmed, un jeune gazaoui du camp de Jabalya, tué par des balles
israéliennes en pleine trêve.
Une douce
matinée printanière réveille le camp de réfugiés.
Les
premières lueurs de l’aube bleue, les gazouillis d’oiseaux
Le petit
matin trace un trait rouge qui s’étire sur la ligne de l’horizon.
Maison aux
murs de pierres millénaires.
Mélangé au
Parfum doucereux de la cardamome le réveille.
Ahmed ouvre
l’étroite fenêtre, il observe
Les
premières fraîcheurs annonciatrices du matin.
Quinze
longues années de précarité, d’attente, de vie entre parenthèses,
Réfugiés à
moins de cent kilomètres de son village d’origine,
Quinze
longues années à subir davantage de restrictions et d’humiliations,
Les ultimes
larmes de son cœur, puisées dans les tréfonds de son malheur.
Des années
que ça dure.
Les yeux
d’Ahmed sont hypnotisés par ces adversaires insaisissables
Ils
s’engouffrent dans la pièce étroite partagée avec tant de ses frères
Loin des désillusions
et de la fatalité qui s’installent dans
L’esprit
collectif des réfugiés.
Seule la
flamme de l’espoir l’a maintenu en vie
Un rayon du
soleil réchauffe l’atmosphère fraîche de la matinée,
En
attendant des jours meilleurs,
Espoir
réduit en poussière.
Dans une
impasse étroite d camp,
Les
immeubles disgracieux des quartiers alentours,
Entassés
les uns contre les autres,
Des rues et
des maisons entières englouties
Par des
monstres affamés,
Entouré
d’une infranchissable barrière métallique de sécurité,
Hérissée de
miradors
L’armée a
crée un gigantesque no man’s land de plusieurs centaines de mètres.
Il se
dirige vers les ruelles du camp
Sous les
regards brûlants des martyrs
Figés dans
leur héroïque éternité
Sur les
grandes affiches qui surplombent les rues.
Agé de
quinze ans, il est devenu adulte d’un seul coup
Brusquement,
sans transition,
Eloigné des
habitudes d’adolescent.
En fait, on
agrandit vite en Palestine.
Un silence
parfait, cristallin, étouffant, envahit les alentours.
Il prend
dans sa main moite la main malingre de sa mère.
Il voit les
longs nuages de poussières soulevés par
Les
déplacements des blindés israéliens.
Des coups
de feu crépitent au loin
Un
gigantesque bulldozer vient de commencer sa macabre besogne :
Ecraser
l’olivier, le symbole de la paix,
Le
déraciner, le renverser, l’étouffer et l’enterrer
Le
désespoir est à son comble.
Les murs et
les fenêtres tremblent un instant.
Ses yeux
vagabondent vers les citronniers et les oliviers du jardin
Touchés par
les tirs.
Ces arbres
s’accrochent aux bras de leurs racines
Comme le
nouveau-né au ventre maternel.
Son cœur
est transpercé d’une fine pointe d’angoisse,
Angoisse de
plus en plus oppressante.
Les soldats
postés dans les miradors ouvrent le feu.
Ahmed est
déjà par terre
Son sang
transperce l’abîme
Victime
d’un sniper qui vide toutes les balles
De son
chargeur dans le corps inerte de l’adolescent,
Sans raison
et sans précipitation,
Avec la
précision d’un horloger.
Un corps
ravagé, déchiqueté, outragé
Par la
haine d’un barbare
Caché
derrière un mirador dans son mans s’land.
Un
sifflement strident qui s’atténue…
Il esquisse
un sourire
Confusion
des sens, valse de souvenirs, tourbillons d’émotions,
Des heures
au parfum d’infini
Il lève les
yeux au ciel.
Quelle
honte et quelle lâcheté !
Dix balles
pour abattre une simple branche d’olivier,
Pour tuer
un jeune innocent,
Pour
anéantir une fleur de jasmin
Une plante
de lumière !
La lumière
de la vie,
La lumière
de Gaza,
La lumière
de la Palestine,
La lumière
de la paix !
La lumière
de l’espoir.
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